samedi 13 février 2010

Histoire

L’origine du kituba est un pidgin apparut grâce aux échanges commerciaux sur les bords du bas du fleuve Congo, avant l’exploration de l’intérieur africain par les Européens. La langue a pris de l’importance grâce à l’augmentation du commerce. Lorsque les missionnaires et les colons européens sont arrivés plus à l’intérieur, ils ont favorisé l’utilisation du kituba aux différents dialectes de l'aire kongo.[réf. nécessaire] D’une part parce que celui-ci était déjà une langue véhiculaire comprise par une majorité de groupes Kongos. Et d'autre part, il était plus simple d'accès à des locuteurs de langues européennes. C’est pour cette raison que le kituba a souvent été associé aux colonisateurs. La langue s'est consolidée avec la construction des chemins de fer. La transformation des ex-colonies de cette zone en États unitaires indépendants a propulsé le munukutuba dans sa phase d'extension que l'on connaît actuellement.

L'origine d'une langue

« Les docteurs Nicolas et Voulgre ont donné des vocabulaires et quelques notes grammaticales concernant le Fiotte (ou Kivili) qui est devenu, en subissant des simplifications et quelques adjonctions, une langue passe-partout, un sabir, qui se comprend de la côte à Brazzaville ».

C'est ainsi que s'exprime Georges Bruel dans sa brochure : « L'inventaire scientifique et économique du Moyen-Niari » (1).
(1) Publié par le Comité de l'Afrique Française - 1925
A. Facteurs geographiques et linguistiques

Dans la partie comprise entre Brazzaville et la mer, partie qui s'étend du Congo Portugais au Nord du bassin du Niari, nous nous trouvons devant une demi-douzaine de langues qui présentent entre elles des caractères communs. Il s'agit du :

1. KISICONGO-KISORONGO [kisolongo] de Boma et de Banana, qui ont une vaste extension ;
2. KIKONGO, parlé au Nord Est de la précédente langue, par les Basundi et les Bawende jusqu'a lÉst du Stanley-Pool [Pool Malebo] ;
3. KAKONGO ou dialecte de Kabinda ;
4. KIYOMBE parlé notamment dans la boucle du Kwilu-Niari ;
5. KIVILI (ou FYOTTE) en usage dans le cours inférieur du Kwilu-Niari, sur la côte Cilongo jusqu'au Nord Est du cours moyen de la Nyanga ;
6. KILUMBO (kilumbu) qui part de la Nyanga et s'étend jusqu'aux environs du bassin de l'Ogowé.

Vers la côte de Loango se pressent, sur 400 kilomètres de profondeur, sept peuplades relativement dissemblables : BAVILI, BAKAMBA, BASUNDI, BAKONGO, BALALI, BATEKE.
B. Facteurs historiques

Les missionnaires portugais se sont établis en 1490 à San Salvador [Mbanza Kongo], centre du Royaume du Congo. Ce n'est, en revanche, qu'en 1877 que Stanley atteignit Boma à l'embouchure du Congo. Et, entre 1879 rt 1884, nous voyons se profiler les grands voyages de Savorgnan de Brazza.

Rappelons qu'entre 1842 et 1862 divers traités avaient été conclus par la France avec les chefs côtiers entre le Gabon et l'estuaire nord du Congo.

Toutefois, la pénétration belge et française vers le bassin inférieur du Congo se réalisa respectivement ; par l'Est pur les Belges, par le Nord-Ouest pour les Français.

Ajoutons que les missionnaires catholiques belges et français établirent leurs premières stations dans le Nord et le Nord-Est des régions du Haut-Congo où une langue d'échange, le Lingala, s'était déjà créée grâce au caractère spécifiquement commercial des populations riveraines.

***

Avant de passer à l'analyse critique des éléments linguistiques du Monokotuba, nous voulons retracer les étapes de nos recherches.

Comparant le vocabulaire Monokotuba avec le Lari et le Lingala, nous fûmes frappés par le caractère de compromis de la langue auxiliaire étudiée.

Nous avions tout d'abord pensé que les éléments lingala auxquels Monseigneur Augouard [1852-1921] avait ouvert la voie du Moyen-Congo lorsqui'il descendit du haut-fleuve vers le Stanley-Pool sur les traces de Savorgnan de Brazza, avaient dû créer, au contact des Balali, une idiome moyen permettant des échanges.

Nous avons eu la chance de toucher deux vieux Africains résidant à Poto-Poto qui sont des contemporaines de Monseigneur Augouard et aussi ses anciens compagnons de voyage. Ils nous ont dit qu'ils avaient trouvé à l'époque une langue, le Monokotuba, déjà en usage et qui, d'après eux, venait du Sud-Ouest via Manyanga.

Le fait que l'on rencontre dans le Monokotuba une forte proportion de mots lingala, inconnus des idiomes de l'Ouest, nous a alors incité à pousser nos recherches au-delà de Manyanga et nous avons enfin pu verifier que notre hypothèse première nous avait conduit aux sources du langage nouveau avec une erreur relative concernant l'influence prépondérante que nous avions attribuée au Lari.
Le Kikongo de l'Etat au Congo Belge

Nous trouvons au Congo Belge une langue auxiliaire extrêmement proche de notre Monokotuba, langue qui obéit aux mêmes règles grammaticales simplifiées et déjà rencontrées dans le Lingala. Cette langue a reçu officiellement le nom de Kikongo de l'Etat [Kikongo ya leta].

Comment s'est-elle formée ? Voici ce que l'on nous a dit : lors de l'installation des Belges, un grand nombre d'enfants orphelins des régions du fleuve où le Lingala est en usage, furent amenés à Boma, alors capitale de l'Etat indépendant du Congo, afin d'y recevoir l'instruction necessaire aux premiers commis d'administration. Notons qu'auparavant les Bangala n'avaient pas dépassé, au Sud, Banningville [Bandundu], sur le Kasaï.

Le contact de deux groupes linguistiques différents donna naissance au Monokotuba belge et cette nouvelle langue se perfectionna tres certainement lors de la construction du chemin de fer Matadi-Léopoldville [Kinshasa] entre 1880 et 1898 du fait de la participation d'éléments bangala, main-d'œuvre de tirailleurs principalement.

Quoi qu'il en soit, nier l'influence lingala en pays kikongo équivaudrait à nier l'Histoire.

On sait, en effet, que c'est par l'Est que les Belges ont d'abord pénétré en Afrique Equatoriale. Sur ce chemin traditionnel existait ce peuple des Bangala qui devait jouer un rôle capitale au point de vue linguistique.

Le chemin de l'Est était si bien établi dans le mœurs que le Révérend Reynolds, de la Baptist Mission Society empruntait encore en 1900 cet itinéraire alors que le chemin de fer Matadi-Léopoldville fonctionnait depuis deux ans déjà !

Ainsi, les enfants éduqués à Boma n'ont pas seulement contribué à créer un langage nouveau : ils l'ont bientôt diffusé dans un territoire immense ainsi délimité où l'on parle toujours ce Kikongo de l'Etat : Boma-Matadi-Thysville [Mbanza Ngungu]-Léopoldville, la rive sud du Kasaï, Kikwit, la rive nord-ouest de la Loanga, la frontière de l'Angola.

L'histoire du Monokotuba, telle qu'elle ressort des événements qui se sont passés au Congo Belge, gient confirmer ce que nous disaient les vieux Bangala du temps de Monseigneur Augouard, à savoir que le Monokotuba existait à leur arrivée et que son point de pénétration devait être Manyanga.

Or, Manyanga est un point de passage entre les deux rives du Congo.

Ces vieux Bangala nous disaient aussi qu'ils pensaient que le Monokotuba avait des racines des langues de l'Angola. Cette opinion correspondant assez bien à nos vérifications faites sur le dialecte Kisicongo. Ajoutons d'ailleurs que les premiers pasteurs protestants auchtones ont été formés en Angola.

Mais pourquoi le Monokotuba de Brazzaville diffère-t-il légèrement du Kikongo de l'Etat employé au Congo Belge?

D'une part, en ce qui concerne le Congo Belge, la langue auxiliaire a été primitivement formée à Boma, à la jonction du Kisicongo, du Kakongo et du Kikongo. D'autre part, en ce qui concerne l'A.E.F. la pénétration lingala en pays Lari est venue rejoindre, selon toutes probabilités, le courant Monokotuba remontant de ses origines vers le Moyen-Niari.

C'est pourquoi le LAri a pu influencer une langue encore très malléable et fournir cette version française que nous connaissons aujourd'hui.
Quoi qu'il en soit, les émissions radiophoniques organisées à Léopoldville en Kikongo de l'Etat sont parfaitement comprises de ce côté-ci du Pool par les usagers du Monokotuba.
Conclusion

Il n'est pas inutile, au point où nous sommes parvenus, de souligner que le Monokotuba, pas plus que le Lingala, n'est une langue artificielle. Cependant, par suite d'informations tendancieuses, beaucoup d'Africains croient encore que ces langues ont été formées soit par les missionnaires, soit par les Portugais !

Il n'en est rien !

Certes, des apports étrangers se sont introduits au fur et à mesure de l'importation d'objets fabriqués hors de l'A.E.F. C'est ainsi que nous avons les mots : SABUNI = savon ; SAPATU = chaussure, etc. Mais ce phénomène d'emprunt est universel ; il ne permet nullement de discréditer une langue.

Pour le rest, nous pouvons établir aved une certitude absolue que dans les langues auxiliaires spontanées : Monokotuba et Lingala, tous les mots sont des mots bantous existant à travers toute l'Afrique centrale et méridionale. Nous avons même decouvert l'origine Kiswahili du mot MADIDI = froid, venant de l'arabe Baridi, originellement Bord'.

Enfin, la simplification grammaticale des langues auxiliaires africaines caractérise une tendance déjà signalée en 1915 par José Lourenço Tavarès, au sujet du Kisolongo d'Angola. L'auteur fait état de ce que « l'on remarque à cette époque, dans les centres urbaines, des contractions et l'abandon des lois de concordance, la langue — ajoute-t-il — perdant certains éléments morphologiques pour en acquerir d'autres. »

Compte tenu des renseignements que nous avons obtenus au Congo Belge et considérent l'influence particulière qui s'est manifestée au Congo Français sur le Monokotuba, nous croyons pouvoir écrire que le vocabulaire présenté dans cet ouvrage, où nous avons pris le Lari comme référence, justifie notre pensée première et explique la forme d'un grand nombre de mots usités dans le Monokotuba du Congo Français.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire